Burqa : les socialistes peinent à expliquer leur position
Mots clés : burqa, PS Martine Aubry
Par Nicolas Barotte, François-Xavier Bourmaud23/04/2010 | Mise à jour : 23:49 Réactions (311)
Crédits photo : WOSTOK PRESS/MAXPPP
Le PS est tiraillé entre son rejet du voile intégral et son opposition à une loi d'interdiction totale qu'il juge inapplicable.
Problème : les socialistes sont contre la burqa qu'ils jugent attentatoire aux libertés des femmes et contraire aux principes de la République. Mais ils sont aussi contre une loi d'interdiction totale qu'ils jugent inapplicable, dans la droite ligne de l'avis du Conseil d'État. Pour ce dernier, l'interdiction du voile intégral est possible dans les services publics, mais irréalisable dans l'espace public.
Alors que faire ? Comment assumer une position nuancée sans pour autant donner l'impression de soutenir la burqa ? Le plus simple pour le PS est encore de s'en prendre à Nicolas Sarkozy en l'accusant d'abord de diversion, ensuite de manœuvre électorale.
« Aucune burqa n'est assez grande pour cacher l'échec économique du gouvernement », assure ainsi Harlem Désir. Pour la direction du parti, les priorités des Français sont ailleurs. « Nous sommes confrontés (…) à une crise économique, à une angoisse pour l'emploi, pour des fermetures de sites industriels et au déficit qui explose. Que nous répond le président de la République ? La burqa, après le débat sur l'identité nationale », explique le numéro deux du PS. De là à accuser Nicolas Sarkozy de tenter de récupérer l'électorat d'extrême droite, il n'y a qu'un pas que franchit Pierre Moscovici. « Ça me paraît être une politique de gribouille. Une politique qui vise uniquement à servir certaines clientèles ou à satisfaire certains instincts, ça n'est pas la bonne attitude », estime-t-il.
Le député du Doubs pointe également le risque pour le gouvernement de voir le Conseil constitutionnel retoquer la loi. « Un risque à prendre », selon François Fillon, mais une opération dangereuse selon le PS. « Quand on est le premier ministre du pays, quand on est un homme d'État, on ne prend pas de risque avec la Constitution », assure Pierre Moscovici. Pour les socialistes, il n'y aurait rien de pire que de voir une loi censée défendre les valeurs républicaines être remise en cause ou, si elle ne l'est pas, inapplicable sur le terrain. « On imagine mal les policiers courir dans les rues pour retirer le voile aux femmes », ironise Jean-Christophe Cambadélis.
C'est le paradoxe de la position des socialistes, puisque tous s'accordent pourtant pour dénoncer la burqa. « Il ne faut pas rester inerte et combattre la burqa qui est antinomique aux valeurs de la République », tranche David Assouline. Pour le sénateur de Paris, il faut renforcer les moyens existants pour intégrer ou protéger les femmes concernées dont le PS rappelle qu'elles ne sont que 2 000.
« Une loi stigmatisante »
Les socialistes devront pourtant choisir au moment du vote, comme l'avait rappelé Laurent Fabius au début de l'année quand le débat démarrait. Voter pour ? Voter contre ? S'abstenir ? Les positions sont partagées. Certains, comme Manuel Valls ou Aurélie Filippetti, plaident pour que le PS soutienne la loi. D'autres comme Gérard Collomb assurent qu'ils voteront contre. « Il va falloir dire ce qu'est la burqa au juste, c'est le voile intégral ou bien c'est les voiles intermédiaires ? Déjà cela va être difficile à apprécier », fait valoir le sénateur maire de Lyon. D'autres enfin se dirigent vers l'abstention, mais après avoir déposé des amendements pour ne pas donner l'impression que la position du PS vaudrait quitus à la burqa. « L'idée, c'est de dire que la burqa est interdite dans les services publics », dit David Assouline.
Martine Aubry, qui n'est pas parlementaire, n'aura pas à voter. Mais c'est à elle qu'il revient d'organiser les débats pour définir la position du parti. Elle a déjà réuni un bureau national sur le sujet en janvier. Il n'avait alors pas pris position sur le vote. Fin mars, la première secrétaire avait mis en garde contre « une loi stigmatisante qui ne porte que sur les signes religieux et qui risque d'avoir l'effet contraire : entraîner par provocation encore plus de burqas dans notre pays ».
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