Entre Tutsis et Hutus, le poids des douleurs enfouies
Mots clés : Génocide rwandais, Hutus, Tutsis, RWANDA, NYAMATA
Par Nina Chauvet09/08/2010 | Mise à jour : 12:27 Réactions (9)
Au mémorial du génocide, les vêtements amoncelés et les crânes exposés rappellent le massacre de 2500 Tutsis, le 15 avril 1994. Crédits photo : ASSOCIATED PRESS
REPORTAGE - Seize ans après le génocide rwandais, la vie reprend ses droits dans la petite ville de Nyamata.
À Kigali
Le long de l'avenue qui traverse la petite ville de Nyamata, à une trentaine de kilomètres de Kigali, rien ne laisse penser qu'ici même, seize ans plus tôt, près de 80% de la population tutsie fut massacrée. Chacun vaque à ses occupations à pied ou à vélo. Les enfants jouent au foot sur le terrain aménagé au bas d'une des collines qui entourent la ville. Mais au mémorial du génocide, édifié dans l'église où 2500 Tutsis furent tués le 15 avril 1994, les vêtements amoncelés et les crânes exposés rappellent l'horreur.
Emmanuel Ndashimye, employé administratif de la province, était alors en fuite. «En mai 1994, quand les troupes du FPR sont arrivées, je n'ai retrouvé que ma petite fille. Mes trois autres enfants étaient morts.» Il contient ses larmes, affirme n'avoir aucune rancœur. Selon lui, la réconciliation nationale ardemment voulue par Paul Kagame a sauvé le Rwanda. «Les gens gardent une grande tristesse en eux. C'est humain. Mais la rancœur et la haine entraînent la vengeance. Et la vengeance ne mène nulle part. On appartient tous à une même tribu, le Rwanda, et on doit vivre paisiblement. C'est cela que nous dit Kagame.»
À un kilomètre de marche, le long d'une piste de latérite jaunie par le soleil de l'été, se dresse le collège Saint-François-Xavier. Le préfet des études, Gonzalve Ntaganda, a cet air sage des hommes qui ont vécu le pire et pardonné. Lors du génocide, il a réussi à fuir vers le Kenya. À son retour, ses parents, frères et sœurs n'étaient plus. «J'ai quitté l'Église en 1995. Choqué par le comportement du monde religieux qui avait trempé dans le génocide. J'ai eu envie de me venger. Mais j'ai été président d'une juridiction gacaca ici à Nyamata. Ça m'a beaucoup aidé de voir que les gens confessaient leurs crimes et souhaitaient sincèrement revenir dans le droit chemin. J'ai encore en moi le sens chrétien.» Les gacaca, sortes de tribunaux populaires traditionnels, ont jugé des milliers de personnes, tandis que quelques dignitaires étaient déférés devant le Tribunal international pour le Rwanda à La Haye.
Les ethnies mêlées au collège
Et les Hutus de Nyamata? Sont-ils vraiment réintégrés? À entendre Emmanuel et Gonzalve, tout le monde vit ensemble à présent. Le bibliothécaire de l'école, Polisi Athanase, en exil entre 1973 et juillet 1994, refuse pourtant d'organiser une rencontre avec son jeune cuisinier hutu, qu'il loge chez lui. «Il croirait que quelque chose est en train de se tramer», bredouille Polisi.
La peur et la honte habitent encore le cœur des Hutus, qu'ils aient été génocidaires ou non. Deux d'entre eux, cultivateurs à Nyamata, ont tout de même accepté de parler, à l'abri des regards, dans le bureau de Gonzalve. «J'ai vu des Hutus, des amis, tuer des gens sans raison. J'ai eu longtemps honte. Mais aujourd'hui je me sens plus serein», confesse l'un à voix basse. L'autre semble plus effrayé encore: «J'ai honte aujourd'hui encore. Mais les gacaca ont fonctionné. Des gens de ma famille ont été pardonnés et ont dû faire des travaux d'intérêt général. Je suis soulagé qu'ils aient reconnu leurs mauvaises actions.»
Malgré les aveux, le poids de crime reste. Pourtant, dans ce collège, le chant à l'unisson des élèves laisse entrevoir la possibilité d'un futur apaisé. À 14 ans, le fils de Gonzalve incarne cette nouvelle génération. «À l'école, on m'a dit qu'avant le génocide on inscrivait sur nos cartes d'identité, Hutu ou Tutsi. Maintenant c'est fini. Je ne sais pas si mes amis sont hutus ou tutsis. Et je m'en fiche.»
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